Vivants

Publié le par Liameen

Vivants-dIsaac-Marion

     Vivants, Isaac Marion, Bragelonne, octobre 2011, 318 pages, 17 €.


     R a une vie compliquée. Il n'a pas de nom, pas de souvenirs ni de pouls. Mais il rêve.
     R est un zombie et il est un peu différent.
     Dans les ruines d'une ville à l'abandon, R rencontre une fille. Elle s'appelle Julie et elle est aux antipodes de ce qu'il connaît. Elle est vivante, palpitante. C'est un jaillissement de couleurs dans un camaïeu de gris. Sans vraiment savoir pourquoi, R choisit de ne pas la tuer. Et c'est le début d'une étrange relation, à la fois tendre et dangereuse.

    Jamais cela n'était arrivé. R bafoue les règles des Vivants et des Morts et défie la logique, mais il ne peut plus se contenter d'une existence vouée à la mort. Il veut respirer à nouveau, il veut vivre, et Julie va l'aider. Mais leur monde ne se laissera pas transformer sans combattre.

    Il n'y avait bien que Bragelonne pour éditer un livre pareil, à ce point sortant de l'ordinaire : une histoire d'amour humain-zombie ! On connait bien le point de vue des humains survivants après ce genre d'apocalypse, une épidémie, un fléau ramenant les morts à la vie et faisant d'eux des monstres mangeurs d'hommes... mais on n'avait encore pas vu l'autre côté du miroir, le pourquoi de cette faim des zombies, comment ils "vivaient" ce retour, s'ils étaient encore conscients de quelque chose. R nous le montre ici, zombie un peu à part, parce qu'il rêve encore, parce qu'il n'est pas encore totalement mort. Et lorsqu'il rencontre Julie, on ne sait pas vraiment si c'est l'âme du petit-ami de la jeune fille, Perry, que R vient de dévorer, qui va sauver celle-ci de l'intérieur ou si c'est le zombie lui-même qui tombe amoureux, mais peu importe au final. De R et Julie à Roméo et Juliette, il n'y a qu'un pas, et pourtant il n'y a presque pas de clichés dans cette histoire qu'on peut bel et bien appeler d'amour.
     Vivants, il faut bien le dire, nous fait oublier la mort de son héros. On suit R dans sa quête de la vie, dans son amour pour Julie, dans ses souvenirs et ceux de Perry. Et on peut voir de l'espoir au bout du tunnel, dans ce monde sans date, où la rédemption semble possible, même si certains deviennent fous, et à défaut de morts-vivants sont désormais des vivants-morts.
     Julie est l'incarnation du lecteur qui, humain, doit avant tout survivre et se battre pour cela, quand bien même l'avenir est bien sombre. On se rappelle les films de zombies, les bandes dessinées et tout l'imaginaire autour de ces monstres fantastiques que nous pourrions devenir si une épidémie ou quoi que ce soit d'autre nous transformaient. Mais Vivants donne une autre vision des choses : tout est question de volonté, et, bien que totalement cliché, l'amour peut tous nous sauver. Et le pire, ou plutôt le mieux, c'est qu'on y croit.
     Isaac Marion a réussi, en à peine plus de trois cents pages, à nous faire accepter que la mort n'est pas une barrière à l'amour (bien sûr, les histoires humain(e)s-fantômes existent, mais ce n'est pas pareil, là on parle de corps décomposés, pas d'ectoplasmes). Son écriture est simple, accessible, avec quelques références musicales très adaptées, et nous emporte facilement. Ce roman se lit d'une traite, sans respirer, parce qu'on ne peut pas imaginer comment une histoire pareille peut se terminer. Et pourtant, elle se finit bien, et on peut en sourire.
     Un livre prenant, fascinant, assez déroutant, dans lequel le mythe du zombie en prend un sacré coup. Et avec le succès des Walking Dead en ce moment, ça fait du bien. 

Publié dans Livres

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